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Les facteurs de l’émergence de la classe moyenne chinoise

1- Le terreau historique de l'émergence

2- L'économie chinoise ou l'économie socialiste de marché

3- La classe moyenne et le PCC

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1- Le terreau historique de l'émergence

Après la période maoïste, qui sécoule de 1949 avec l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong jusqu’à 1976, avec la mort de celui-ci, la Chine tente de se remettre de 20 années de carcan politique et économique. Depuis la guerre de l’opium au XIXème siècle, l’Empire du Milieu n’a subi qu’une longue dégringolade. Colonisation, éclatement du territoire, occupation japonaise, libération, puis guerre civile contre les nationalistes, et finalement triomphe des communistes en 1949. À l’heure de la montée de Deng Xiaoping, la Chine traverse une véritable crise morale. Les trafics se développent, le pays est à bout de souffle. En 1975, un train entier disparaît dans les inondations d’Anhui. En 1976, le tremblement de terre de Tanshang fait 250 000 morts. La Chine refuse toute aide internationale, conservant sa position isolationiste d’alors. La mort de Mao en 1976 marque le renouveau de la chine, des réformes deviennent possibles. Outre Deng Xiaoping, les grandes figures du parti reviennent  d’exil, en particulier Chen Yun et Peng Zhen. Ce dernier, au début des années 1980, édifie un système juridique, moins injuste qu’autrefois, mais encore terriblement sévère. Il sera à l’origine en 1983, avec ses adjoints de la campagne contre la “pollution intellectuelle”, véritable campagne pudibonde qui conduit à des arrestations massives visant les jeunes qui imitent les modes occidentales et les femmes au vêtement “trop courts”. Cela conduit à un renforcement des autorités locales . Une série de réformes s’engage en 1978 suite à la prise de pouvoir de Deng Xiaoping en décembre, un ancien fidèle de Mao. Il s’agit du programme des cinq modernisations ( agriculture, industrie, science et technologie, défense nationale ).  Une des mesures phares est la décollectivisation des terres entre 1978 et 1984. Désormais, le paysan  est responsable de la production  de terres qui appartiennent cependant toujours à l'Etat.

Il peut en obtenir l’usufruit ( le droit d’utiliser un bien, et d’en percevoir les revenus).

Autrefois, le monde rural chinois se composait de communes populaires, instituées en 1953. Des coopératives agricoles de production se répartissaient les terres, en vue d’accroître les rendements. La propriété privée n’existait quasiment pas. Ces coopératives avaient pour projet de dégager assez de ressources, pour devenir auto-suffisantes et bénéficier à la construction de nouvelles infrastructures.

En réalité, les produits issus des communes populaires sont de trop mauvaises qualités et conduisent à la désorganisation du système économique voulu par le PCC, et à l’échec de la politique d’industrialisation, à la base construit sur le système soviétique.  Cette collectivisation des terres est un échec car elle connaît des “réajustements” en 1961. Elle fait partie d’une des nombreuses mesures du « grand bond en avant » ( entendre grand bond en avant vers le communisme ) qui a causé une famine qui fit 36 millions de morts entre 1958 et 1962. Les terres sont donc re-privatisées.  

 Certaines mesures assurent une certaine popularité au Parti, notamment auprès des paysans . Il augmente de 20 % les salaires des ouvriers et de 50% le prix d’achat par l’Etat des céréales. Réforme extraordinaire dans un pays où neuf dixièmes de la population vit à la campagne. En plus de cela, le gouvernent laisse se développer un petit artisanat rural privé et un renouveau de l’entreprise ( autrefois lourdement condamné par la Révolution Culturelle)

Sont mises  en place des EBC (des entreprises de bourgs et cantons ) en 1984 pour pallier aux exodes ruraux qui s’ensuivent, notamment vers les littoraux. Les EBC ont but de maintenir une production industrielle dans les campagnes et d’y maintenir la main d’œuvre.  Ensuite vient la décentralisation des pouvoirs économiques au profit des administrations locales. Cela permet de développer les échanges avec l’étranger et pour les localités, de bénéficier plus largement des recettes fiscales.  Dans le milieu des années 80 ; la Chine s’oriente  vers l’économie de marché, avec la création de zones géographiques où les  lois économiques sont plus libérales ( zone économique spéciale, ZES) comme celles de Shanghai, Tianjin, et surtout Shen Zen à côté de Hong-Kong. Ces ZES sont des lieux d'expérimentation de la politique d'ouverture aux investissements étrangers. Elles connaissent une croissance spectaculaire représentative de l’essor de la Chine dans les années 90. La Chine entre dans l’OMC sous l’impulsion des États-Unis en 2001. Néanmoins, il n’y a pas de réelle réforme politique au cours de ces années. Le processus de démaoïsation après les catastrophiques «  grand bon en avant » 1958 et « révolution culturelle » 1966-1976, n’aboutit pas à un gouvernement démocratique, mais à un parti unique et autoritaire. Le gouvernement de Deng xiaoping et ses successeurs font comprendre à la population qu’elle a intérêt à travailler, mais aussi qu’elle ne doit pas s’occuper de politique. Des répressions s’amorcent au printemps 1979, contre la contestation démocratique de Wei Jingsheng.  (Du 15 avril au 4 juin 1989, la place Tian An-Men à Pékin, est occupée par des milliers d'étudiants. Mille à deux milles d'entre eux sont massacrés par l'Armée). Parallèlement à la croissance, les rapports hiérarchiques se recomposent dans les villages et la corruption se fait de plus en plus présente dans tous les milieux économiques et politiques, une corruption pas encore démentie de nos jours.   

 

“entre le pouvoir et la population s’impose une sorte d’accord tacite:

aux uns, la direction, de tout ce qui compte aux autres , le droit de travailler pour le pays et aussi pour leur survie, voire parfois, leur enrichissement”

Jean-Luc Domenach

 

En résumé : 30 années de réformes économiques mais pas politiques.


C’est dans cette période qu’apparaît la classe moyenne chinoise, suite au développement de la propriété privée.  Elle compterait entre  20 % et 80% de la population soit 200 millions d’habitants et plus de 1 milliard de personnes : elle est très difficile à cerner. Il ne faut pas oublier qu’avec l’émancipation du secteur privé, une classe entière de nouveaux riches a vu le jour en même temps ( plus de 1 million de millionnaires ont fait leur fortune suite à cette émancipation) ainsi qu’une classe sociale très pauvre​.

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2- L'économie chinoise ou l'économie socialiste de marché

Suite aux planifications économiques aventureuses du Parti Communiste Chinois (PCC) de Mao, la Chine se lance dès 1978 dans un vaste plan de réformes visant à rétablir le pays au sein de l’économie de marché et faire de celle-ci une grande puissance internationale. Cela passe par la décollectivisation des terres, la rupture de l’autarcie et l’assouplissement de l’économie planifiée caractéristique des régimes communistes. L’économie socialiste de marché s’inspire néanmoins d’un dirigisme économique fort. Ainsi, elle se concrétise, suivant la signification littérale du terme, de deux manières, d’une part par l’application d’une économie libérale et d’une production ultra compétitive, d’autre part, par la conservation de l’idéologie communiste,  et d’un état autoritaire. L’économie socialiste de marché diffère de l’économie de marché dans le fait que l’état demeure propriétaire des moyens de production et d’un pouvoir interventionniste arbitraire. Concrètement, l’essor économique de la Chine s’appuie sur la promotion de l’enrichissement privé, de la propriété individuelle ( notamment dans le domaine agricole ) mais aussi sur une ouverture à l’extérieur ( réforme de “la porte ouverte”) marquée par les ZES qui font offices de véritables microcosmes économiques pour la Chine où les marchés internationaux se constituent de nouveaux repères. Outre des transferts de capitaux importants, cela permet au pays un apport en connaissances technologiques, et une prise conscience des nouvelles lois du marché de l’économie monde américaine. Ces réformes libérales s’étendent aux provinces dès 1984, même si subsistent aujourd’hui encore de fortes inégalités entre l’intérieur du pays et les littoraux, preuve d’un système centre-périphéries, autrement responsable de l’exode rurale amorcée dès la dislocation des communes populaires.

 

A la même période, le PCC vient à délaisser la fixation arbitraire pour l’auto-régulation des prix et reconnaît le terme d’entreprise privée en 1987. Le développement d’entreprise privée est légalisé pour l’industrie légère et les services. La création de société mixte avec des capitaux étrangers est maintenant possible ; le terme quant à lui, d’économie socialiste de marché est officialisé par le parti en 1993. L'année de l’ouverture de la Chine au monde prend forme lors de son adhésion en 2001 à l'organisation Mondiale du Commerce (OMC), plusieurs années après le début de réformes qui avaient pour but l’émancipation du secteur privé et le retour à la propriété privée notamment. Cela constitue le facteur principal de l’émergence de la classe moyenne chinoise, qui par un retour à la propriété privée et un secteur privé à nouveau existant va pouvoir s’enrichir, épargner et consommer, et donc ainsi posséder une maison, un appartement Avec ces réformes, la classe moyenne chinoise se rapproche des populations occidentales, de leurs coutumes, tel que le tourisme. Aujourd’hui, suite à la baisse de la croissance qui stagne désormais autour de 7%, l’économie socialiste de marché est à l’épreuve. Entre 2012 et 2014, la hausse moyenne des salaires a été de 30%, ce qui a profondément amoindri la compétitivité du pays. De plus l’aspect social de l’économie socialiste de marché semble plus résider en un système basé sur la corruption, que sur un système de redistribution. Le principal défi de l’économie socialiste de marché va être de s’orienter de plus en plus vers le marché intérieur, au lieu des exportations, de passer de l’industrie aux services et d’une production d’objet manufacturé bon marché de qualité et de technologie médiocre à une production plus spécifique et de meilleur qualité. On assistera en outre à une remontée de filière de plus en plus importante, ce qui provoquera la fuite de nombreux capitaux.

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3- La classe moyenne et le PCC

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, le renouveau chinois s’est accompagné de 30 années de réformes économiques mais pas politiques. Après le massacre de la place Tiananmen, les mouvements  démocratiques ont été partiellement enterrés .

Image célèbre des incidents de la place Tian'anmen, on voit ici les chars arrivant sur la  place défiés par un homme en chemise blanche.

Le dernier en date reste la révolte des parapluies à Hong Kong en 2014. Selon toute logique, un essor économique, devrait s’accompagner d’un renouveau démocratique. Or la chine est restée le pays d’un parti unique, dont les faiblesses commencent à se faire ressentir, mais qui demeure solidement ancré au pouvoir. Une des raisons : de nombreux individus de la classe moyenne chinoise ont une carte du parti, beaucoup sont même fonctionnaires et si ce n’est pas eux,  un ami ou un parent. Ils bénéficient ainsi des nombreuses prérogatives apportées par la corruption qui est de mise dans tous les secteurs de la Chine. Les journalistes, pour ne citer qu’eux, ont pour habitude de faire blanchir le pot-de-vin sur les frais de taxi. Normalement, la classe moyenne en général, est revendicatrice de plus de pouvoir politique. Au début de son émergence, la classe moyenne du pays était vue négativement par le parti, mais elle apparaît en fait comme un facteur de stabilité, et s'accommode de la hausse de 30% du salaire moyen depuis 2014. En somme, si les salaires, et l’augmentation du pouvoir d’achat continuent à augmenter, le parti n’a pas à s’inquiéter de cette classe moyenne. Il sera en position de force tant que les parents seront assurés que leur enfant auront une meilleure condition qu’eux.   Une autre raison : l’autorité du parti, qui ne tolère pas les contestations, et tente de restreindre au plus les libertés. C’est pourquoi les dirigeants craignent  les dissidences comme le Falun Gong qui compte, selon certains, autant  de membres que le PCC, c’est à dire environ 80 millions d’individus. En résumé, la classe moyenne est profondément affiliée au Parti, et doit le plus gros de son essor à ses réformes économiques. Elle se sent obligée d’une certaine “reconnaissance” à l’encontre de celui-ci.​

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